26 déc Anne Le Troter アンヌ・ルトロテール
Anne Le Troter (1985) est une artiste basée à Paris mêlant installation sonore, performance, théâtre, littérature et poésie. C’est après l’écriture de deux livres « L’encyclopédie de la matière » et « Claire, Anne, Laurence » qu’elle commence à travailler sur la place qu’occupe la parole au travail. Ainsi Anne Le Troter invite des groupes de personnes tels que les artistes ASMR et des enquêteurices téléphoniques à enregistrer avec elle (« L’appétence », pièce sonore, 2016 Prix du Salon de Montrouge et du Palais de Tokyo, « Les mitoyennes » La BF15, 2015, « Liste à puces » Palais de Tokyo, 2017 et « Les silences après une question » à l’Institut d’Art Contemporain de Villeurbanne, 2017).
Invitée par la fondation Pernod Ricard, la Biennale de Rennes, le centre d’art contemporain Le Grand Café à Saint Nazaire, le Nasher Sculpture Center à Dallas et le Centre Pompidou, l’artiste engage ensuite d’autres cycles d’écriture autour de la notion de biographie, de fiction et d’utopie autour de la question de nos modes de reproduction. En 2021 elle est lauréate de la bourse Bétonsalon et ADAGP (Les Volontaires, pigmentsmédicaments, Bétonsalon, centre d’art et de recherche, 2022), ainsi que du programme Mondes Nouveaux.
Pour son second temps de résidence, Anne Le Troter invite les poète.sse.s et artistes sonores japonais.es Tomomi Adachi, Ami Yamasaki et Pero Fukuda à travailler avec elle sur une nouvelle pièce audio inspirée par l’artiste Jun Tsuji (1884- 1944), artiste autoproclamé premier dadaïste du Japon, vagabond et anarchiste égoïste. C’est après la lecture des textes « Romance du vagabond » et « L’illusion de la grotte à roulettes » qu’Anne Le Troter commence l’écriture d’un texte dans lequel 3 protagonistes refusent de continuer en l’état et décident de s’extraire de la société pour aller proposer l’espace de leur corps dans la forêt. De là une discussion en lien avec l’oeuvre de Jun Tsuji se met en place.
Extrait de texte:
« Moi quitte à être utile j’aimerais surtout être le jouet du chien. Voilà pourquoi je refuse la verticalité et de continuer en l’état, c’est parce que mon kiffe à moi ce serait d’être le jouet du chien. C’est mon truc. Oui, j’aimerais m’envoler dans les airs d’abord. Imagine quelqu’un m’enverrait planer au-dessus d’une herbe fraichement coupée puis ensuite je me rétamerais la face contre une souche d’arbre avant d’être prise dans une gueule, une gueule de chien.
Oui imagine le chien te fonce dessus et te fait valdinguer avant de te mordiller les ponpons, il mâchouillerait mon ventre qui soudainement se mettrait à couiner, il rongerait toutes mes boucles tandis que je lui chatouillerais la truffe. J’aimerais ça être mordiller de tout côté, être blessé de désir et de joie, tu vois, c’est ça l’inverse de la solitude, là pour moi.
Est-ce que tu arrives à penser au taux de désir que tu suscites quand tu es le jouet du chien ? Tu te rends compte du pourcentage de joie que tu représentes ? Il y aura un pic dans ce graphique, c’est sûr, une montagne d’envie, une fontaine de besoin et ça peut rapporter gros. C’est toute une économie à repenser, non plutôt à investir. Miser gros, oser la réincarnation dans un objet qui couine et rester au centre, au centre du désir jusqu’à la destruction totale. C’est ça le projet. »